Transgresser les règlements : est-ce être immoral ?
Question du quidam: J'ai un problème avec le respect des lois. Je n'arrive pas à m'arrêter au feu rouge, à ne pas fumer quand c'est interdit... J'ai instinctivement envie de transgresser les réglements, et je n'aime pas trop croiser la police dans la rue. On me dit souvent que ce n'est pas bien de se comporter ainsi, que c'est égoïste. Qu'en pensez-vous ?
Réponse du philosophe: Vous n'avez pas forcément raison d'être rebelle ou mauvais citoyen, mais l'accusation d'immoralité - "attention, ce n'est pas bien!" - est déplacée.
Vous avez un problème avec le droit. Or le droit n'est pas la morale. Le droit n'est que général, la morale vise l'Universel.
Les règles ou les lois sont faites pour permettre la vie ensemble d'un certain nombre d'individus à un moment donné. La distinction morale entre le Bien et le Mal est censée s'appliquer de tout temps à tous les individus. Mais surtout : on ne peut pas juger de la moralité ou de l'immoralité d'un comportement depuis l'extérieur. Seul celui qui agit sait, de l'intérieur, s'il a agi en voulant faire le Bien ou non. La morale dépend de la qualité de l'intention. Personne ne peut savoir - de l'extérieur - quelle était votre intention lorsque vous avez enfreint la loi.
Kant a bien montré que la grandeur du comportement moral tenait à sa liberté intrinsèque : c'est lorsque ma volonté de faire le Bien est vraiment mienne, lorsque, donc, je n'obéis qu'à moi en voulant faire le Bien, que je suis un être moral.
Ainsi, la simple présence d'un pouvoir de contrainte (par exemple, la police dans les rues de la ville) censé faire respecter les lois et d'un pouvoir de sanction en cas de désobéissance (la justice) prouvent déjà que le droit n'est pas la morale, puisque c'est de l'extérieur que nous sommes invités au respect des lois. Vous pourrez bien sûr ajouter que, souvent, dans l'histoire des hommes, certains ont désobéi aux lois au nom de la morale, comme par exemple les résistants français, ou tous ceux que Camus nomme les "hommes révoltés". Et conclure alors sur cet étrange paradoxe que votre question permet de mettre au jour : notre civilisation nous demande d'obéir aux lois, la plupart du temps pour des raisons non morales (habitude, conformisme, peur de la sanction, intérêt bien compris, etc.), mais aussi de savoir leur désobéir, lorsque, vraiment, elles sont inadmissibles, dans un sursaut moral.
D'où cette question cruciale : comment maintenir la possibilité d'un tel sursaut moral au coeur d'une obéissance quotidienne aux lois, qui, par son automatisme, son caractère non questionné, risque d'endormir notre sens moral? Et cette question conséquente, qui vous fera peut-être plaisir : qui aura le plus de chance de maintenir en lui la possibilité d'un tel sursaut moral devant des lois inhumaines? Celui qui est plutôt rebelle, qui a, comme vous, "un problème avec le respect des lois"? Ou celui, légaliste, qui y obéit sans se poser de questions?
Vous avez un problème avec le droit. Or le droit n'est pas la morale. Le droit n'est que général, la morale vise l'Universel.
Les règles ou les lois sont faites pour permettre la vie ensemble d'un certain nombre d'individus à un moment donné. La distinction morale entre le Bien et le Mal est censée s'appliquer de tout temps à tous les individus. Mais surtout : on ne peut pas juger de la moralité ou de l'immoralité d'un comportement depuis l'extérieur. Seul celui qui agit sait, de l'intérieur, s'il a agi en voulant faire le Bien ou non. La morale dépend de la qualité de l'intention. Personne ne peut savoir - de l'extérieur - quelle était votre intention lorsque vous avez enfreint la loi.
Kant a bien montré que la grandeur du comportement moral tenait à sa liberté intrinsèque : c'est lorsque ma volonté de faire le Bien est vraiment mienne, lorsque, donc, je n'obéis qu'à moi en voulant faire le Bien, que je suis un être moral.
Ainsi, la simple présence d'un pouvoir de contrainte (par exemple, la police dans les rues de la ville) censé faire respecter les lois et d'un pouvoir de sanction en cas de désobéissance (la justice) prouvent déjà que le droit n'est pas la morale, puisque c'est de l'extérieur que nous sommes invités au respect des lois. Vous pourrez bien sûr ajouter que, souvent, dans l'histoire des hommes, certains ont désobéi aux lois au nom de la morale, comme par exemple les résistants français, ou tous ceux que Camus nomme les "hommes révoltés". Et conclure alors sur cet étrange paradoxe que votre question permet de mettre au jour : notre civilisation nous demande d'obéir aux lois, la plupart du temps pour des raisons non morales (habitude, conformisme, peur de la sanction, intérêt bien compris, etc.), mais aussi de savoir leur désobéir, lorsque, vraiment, elles sont inadmissibles, dans un sursaut moral.
D'où cette question cruciale : comment maintenir la possibilité d'un tel sursaut moral au coeur d'une obéissance quotidienne aux lois, qui, par son automatisme, son caractère non questionné, risque d'endormir notre sens moral? Et cette question conséquente, qui vous fera peut-être plaisir : qui aura le plus de chance de maintenir en lui la possibilité d'un tel sursaut moral devant des lois inhumaines? Celui qui est plutôt rebelle, qui a, comme vous, "un problème avec le respect des lois"? Ou celui, légaliste, qui y obéit sans se poser de questions?
PS : Merci à Charles Pépin, à Philosophie Magazine et à acarpediem56
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