samedi 5 novembre 2011
Droit d’ingérence, devoir d'ingérence ou devoir de réserve ?
Résumé :
Ne pas intervenir serait en quelque sorte un délit de non assistance à peuple en danger...
Un devoir de réserve est irrecevable sur le plan de l'éthique du vivre ensemble sur la même planète. Par contre il existe bien un devoir de réflexion, de concertation et de modération.
Développement :
Pour le pays qui fait l'objet d'une ingérence il est souvent question de son droit à ne pas rester dans l'indifférence vis à vis des autres pays de la planète.
L'ONU dénie à ses membres le droit à l'indifférence.
L'ingérence, justifiée par des raisons humanitaires, vise à rétablir les droits fondamentaux du citoyen, à commencer par celui de pouvoir vivre sans entrave majeure. Dans les pays totalitaires où les droits du citoyen sont bafoués (pas de droit de vote, persécutions politiques, tortures, répressions sanglantes, etc.), il s'agit de destituer le dictateur et de mettre en place un régime démocratique.
C'est le siècle des Lumières qui a redonné ses lettres de noblesse au devoir d'ingérence. Mais ce devoir a déjà fait l'objet de controverses au XVIIème siècle avec Hugo Grotius qui est l'un des pères du droit international.
Car quand il s'agit du respect des droits de l'homme, il ne s'agit plus seulement d'un droit mais bien d'un devoir. C'est une obligation éthique d'assister les peuples pour la restauration de leurs droits élémentaires et de leur souveraineté.
C'est même un devoir inscrit dans le droit pénal international depuis 1988.
Mais le droit international ne définit pas de hiérarchie explicite entre droits de l'homme et souveraineté nationale. Il n'existe donc pas de réponse strictement juridique à la question de savoir si un État illégitime au regard des droits de l'homme reste légitime dans son opposition à toute intervention étrangère.
Intervenir est un délit contre la souveraineté nationale d'un pays.
Mais ne pas intervenir serait en quelque sorte un délit de non assistance à peuple en danger.
Cette nécessité, si elle ne fait pas l'unanimité, reste dictée par la conception morale de ce qu'est une société juste et du respect dû à toute personne humaine. Car au-delà de l’émancipation d’autres peuples prisonniers de traditions ou de systèmes politiques archaïques, c'est bien du respect des valeurs républicaines et démocratiques portées par les lumières et la révolution dont il s'agit.
Les droits de l'homme ne sont pas un acquis qu'il faut protéger mais un combat permanent pour qu'ils soient moins bafoués.
Mais l'ingérence, si elle est un devoir, ne doit pas se faire n'importe comment. Sans forcément évoquer la théorie du complot, il est évident que sous couvert de bonne conscience humanitaire, certaines puissances peuvent profiter de l'occasion pour conforter des positions géo stratégiques, politiques ou économiques. On peut même soupçonner certains d'en faire un objectif prioritaire. On remarquera au passage que c'est rarement les pays pauvres ou anciennement colonisés qui font de l'ingérence chez les pays riches ou anciennement colonisateurs. Et ce n'est pas que pour des raisons de civilisation plus ou moins avancée sur le plan des droits de l'homme.
L'ingérence doit donc se faire avec l'autorisation ou sous l'égide d'une autorité éthique supranationale telle que l'ONU.
Elle doit également afficher des objectifs et des moyens clairs et validés par cette dernière.
Il y a dans la question du droit de réserve quelque chose de l'ordre de l'humour anglais que l'on retrouve dans certains jeux télévisés du genre de "qui c'est qui veut gagner des millions?" ou la dernière réponse est toujours décalée et très fausse pour permettre au télé joueur de se détendre un peu. Le rédacteur, non sans malice, ouvre une porte à la franche rigolade et parfois au défoulement quand les questions précédentes sont trop faciles ou trop ardues.
Que veut dire devoir de réserve quand nos voisins, d'une autre nationalité certes, se font assassiner ou torturer pour leurs idées et parfois exterminer pour leurs croyances religieuses ou leurs origines ethniques?
Ne s'agit-il d'une réserve comparable à celle qui pourrait être invoquée lorsque l'enfant des voisins se fait martyriser par ses parents, ou qu'une femme se fait violer sous nos yeux dans une rame de métro ?
Quel devoir de réserve avons-nous quand on rafle et déporte des juifs ou quand on jette des harkis dans la Seine ?
Dans ce cas de figure, même s'il est important d'évaluer la situation, d'apprécier ses chances de réussites et l'éventualité de "dégâts collatéraux", on peut parler de quelque chose entre l'indifférence et la lâcheté.
La comparaison peut susciter la réflexion mais elle ne doit pas nous détourner de la question qui nous est posée qui est bien celle de l'ingérence humanitaire au niveau international. C'est à dire concernant les droits de l'homme puisque tout ce qui est humanitaire touche les droits de l'homme et vice versa.
Même s'il y a des similitudes, la question posée n'est pas celle de la non assistance à personne en danger ou de notre position personnelle sur l'assistance qu'il faudrait apporter à un peuple en danger. Mais bien celle qui est un sujet brûlant de la politique internationale de ces dernières décennies, qui concerne l'ingérence qu'une nation ou un groupe de nations peut légitimement opérer pour assister le peuple opprimé d'une nation tierce.
Ne pas traiter de ce sujet précis ou le noyer dans une problématique plus large ou décalée, serait à mon avis, non pertinent, hors sujet.
Peut être pourrait on imaginer un droit de réserve, plutôt qu'un devoir, qui consisterait à justifier de circonstances précises pour ne pas agir. Par exemple un pays pourrait justifier d’une certaine impuissance ou inefficience à agir. On évite de plonger pour porter secours à quelqu’un lorsque l’on ne sait pas nager mais on lance une bouée ou on appelle une personne plus compétente.
Le fait de ne pas agir directement n’empêche pas de faire toutes démarches possibles et imaginables pour apporter son soutien d’une façon ou d’une autre. Aucun pays ne peut se défausser en s’en remettant à un pays plus puissant ou à une autorité supranationale. Par contre il est du devoir de chaque pays d’apporter les moyens qu’il est en mesure de fournir dans la coalition. Le devoir n’est pas celui de la réserve mais de la pro-activité.
Un devoir de réserve est donc irrecevable sur le plan de l'éthique du vivre ensemble sur la même planète. L'ONU refuse à ses membres le droit à l'indifférence.
Par contre il existe bien un devoir de réflexion, de concertation et de modération. Certaines actions doivent être rapides lorsque la situation d'urgence humanitaire l'exige. Mais quelque soit le degré d'urgence il est indispensable d'évaluer les conséquences d'une action d'ingérence pour en fixer le contour en termes d'objectifs et de moyens. Les moyens pouvant comprendre des dimensions diplomatiques (négociations), économiques (restrictions, blocus) ou militaires (avec une graduation très large). Ce n'est que par la concertation avec la communauté internationale que cette action pourra être calibrée, modérée, adaptée et légitimée.
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