dimanche 6 novembre 2011
Histoire de différences, différences d’histoire...
« Histoire de différences, différences d’histoire... ».
Note de lecture du livre de Clair Michalon.
Par Eric Boespflug
C Michalon traite dans ce livre de l’origine des différences culturelles, à partir de 3 facteurs :
- L’oralité VS l’écriture
- Le nomadisme VS la sédentarité
- La précarité VS la sécurité
Oralité VS écriture
Dans les cultures orales :
- la diffusion du savoir est directement fonction du nombre et de la qualité des relations sociales. Dans ce type de culture, le stockage du savoir se fait à l’aide de dictons et de proverbes. Les cultures orales se caractérisent, selon C Michalon, par une prédominance du sens sur les liens de causalité : on ne cherche pas à comprendre le « pourquoi », mais plutôt le « vers quoi ».
- le tri des savoirs s’opèrent selon un « clé » unique. Cette clé, c’est l’utilité sociale que chaque information confère à celui qui la reçoit et à celui qui la donne.
- la distribution du savoir s’appuie enfin sur un très forte structuration du système social : ceux qui « savent » se transmettent le savoir au détriment de ceux qui ne « savent pas ».
Le savoir est en quelque sorte un outil de préservation du pouvoir par les classes dominantes et un facteur de préservation de la structure sociale.
Dans les cultures écrites :
- la diffusion du savoir ne repose plus du tout sur les relations interpersonnelles. Selon C Michalon, l’apparition de l’écriture marque le début d’une « longue marche vers l’individualisme ». Pour la première fois, l’homme n’a plus « besoin » d’autrui pour vivre.
Dans les cultures de l’écrit, la rupture relationnelle n’a effectivement plus de
conséquences sur le niveau de savoir.
- le tri des savoirs n’est plus nécessaire ! Dans les cultures de l’écrit, le savoir est accumulé sans distinction entre ce qui serait utile et ce qui ne le serait pas.
- la distribution du savoir, enfin, ne repose plus sur une forte structuration du système social. C Michalon a même tendance à penser que l’apparition de l’écrit porte en ellemême les germes des premières contestations des organisations sociales.
Par ailleurs, la naissance de l’écriture constitue un « chemin long et lent vers l’abstraction ».
Au tout début, les premières formes de l’écrit sont des « pictogrammes » (1 objet = 1 dessin).
Aux pictogrammes succèdent les « idéogrammes » (1 réalité = 1 signe). Les idéogrammes sont en quelque sorte des pictogrammes qui représentent des réalités concrètes et abstraites (objets + idée).
Enfin, apparaissent les « idéophonogrammes » : ce sont l’association de signes et de sons. Le Japonais et le Chinois sont par exemple constitués d’idéophonogrammes.
Selon C Michalon, les idéogrammes et autres représentations graphiques de l’écriture sont propices à une pensée de type analogique.
A l’inverse, les écritures de type alphabétiques se prêtent d’avantage à un type de pensée analytique.
Dans les écritures alphabétiques, processus de décomposition / recomposition des mots porte instinctivement les hommes à considérer le tout comme la somme des parties.
Dans les écritures idéophonogrammiques, par contre, le tout n’est pas l’addition de parties intrinsèquement distinctes : il a une existence propre.
Nomadisme VS sédentarité
Selon C Michalon, le premier conflit qui oppose des humains est celui des nomades contre les sédentaires.
Les premiers hommes sont tous nomades et c’est par eux que l’homme entreprend sa longue conquête des espaces vierges du monde. L’origine des premiers sédentaires coïncide avec l’apparition des premières sociétés de l’écrit : avec la satisfaction des besoins fondamentaux, l’homme entre dans une nouvelle ère, celle du savoir.
Pour C Michalon, on peut voir le péché originel comme l’abandon forme de vie entièrement tournée vers l’adéquation entre l’homme et son milieu naturel. Selon lui, le jardin d’Eden pourrait donc être une représentation nostalgique des cultures sédentaires à l’égard de leur vie nomade antérieure.
Précarité VS sécurité
Cette distinction est plus que jamais d’actualité. Elle met en évidence les logiques propres qui prévalent dans les sociétés ayant acquis un niveau de bien-être matériel élevé et dans les société guidées par la survie quotidienne.
Conclusion
Pour C Michalon, les cultures sont le fruit d’une complexification croissante des modes de transmission du savoir, des logiques de sédentarité et de logiques de sécurité (ou de précarité).
De fait, il y a :
- des sociétés nomades, de tradition orales et répondant à une logique de précarité. Ex : les indiens d’amérique.
- des sociétés nomades, de tradition écrite et répondant à une logique de précarité. Ex : les touaregs.
- des sociétés sédentaires, de tradition orale et répondant à une logique de précarité. Ex : les ethnies africaines.
- des sociétés sédentaires, de tradition écrite et répondant à une logique de précarité. Ex : les castes indiennes.
- des sociétés sédentaires, de tradition écrite et répondant à une logique de sécurité. Ex : les pays occidentaux.
Etc...
Ce que j’en pense L’urgente nécessité que soulèvent les problèmes de réchauffement de la planète, de réduction des espèces animales et d’accroissement des inégalités (...) ramène, selon moi, à une question de survie de l’espèce humaine. Dès lors, les cultures de la précarité ont beaucoup à apprendre
aux pays occidentaux pour permettre la transition d’une logique de sécurité à une logique de précarité, certainement plus à même de répondre efficacement aux défis que posent le développement durable.
Cependant, on peut s’interroger sur la capacité des occidentaux à intégrer la question de la survie du groupe à une dimension individuelle...
Tant que la logique de sécurité prévaudra sur la logique de précarité, on risque fort de voir le développement durable se réduire à des actions à proprement parler « rassurantes », c’est à dire incapables de traiter d’autre chose que du « risque » (par rapport aux explosions chimiques, par rapport aux appels à boycott, par rapport à tout ce qui, in fine, pourrait porter atteinte à l’image et au CA).
http://www.ba-consultants.com/pdf/histoire%20de%20differences%20clair%20michalon.pdf
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