dimanche 4 décembre 2011

Raison, Intuition et Foi

Avons-nous une âme ?
Si oui que représente t elle précisément et à quoi sert-elle ?
Est-elle immortelle ?
Se détache t elle de notre corps quand nous mourrons ?
Pour aller où ?

Dieu existe-t-il ?
Si oui se confond-il avec l’infini ? Est-il partout dans les choses et les êtres ?
Est-il le créateur ou le grand architecte de l’univers ?
Les écritures, les religions, les cultes et les rites le concernant présentent-ils un intérêt ?
Si oui lequel ? Si non pourquoi ?

La plupart des hommes n’ont pas de réponses très précises à ces questions métaphysiques.
Sur ces sujets, comme sur d'autres, souvent plus prosaïques, il est possible à chacun d'avoir soit des intuitions, des croyances, des doutes, des raisonnements, des expériences et des preuves scientifiques, contre ou en faveur, et peut être encore plusieurs ou toutes ces choses à la fois.

On voit déjà que certaines questions sollicitent plutôt la raison et d’autres plutôt l’intuition. Par contre, la foi est rarement sollicitée par les questions. Elle fait elle-même les questions et les réponses.

On peut exercer ces trois notions de façon symétrique et réflexive. On peut avoir des intuitions sur ce qu’est véritablement l’intuition ou la raison, mais on peut aussi raisonner sur la foi et la raison ou avoir foi en son intuition. On peut aussi avoir foi dans sa foi, même si l’infini de l’infini reste toujours l’infini.

Sur la question de l’âme, selon Duncan Mac Dougall, elle pèse très exactement 21 grammes. De façon tout à fait rationnelle, il a pesé six personnes avant puis après leur décès. Cela se passait en 1907.
Quelques siècles plus tôt, Platon affirmait que l’âme existait bien, qu’elle était séparée du corps, mais qu’elle se confondait avec l’homme lui-même, qu’elle était un « mouvement qui se meut soi-même ». Elle comportait 3 niveaux : le désir, la passion et la raison ou l’esprit. La forte capacité à raisonner du philosophe grec s’appuyait vraisemblablement sur une intuition hors du commun.

Définitions


Mais comment définir ce qu’est exactement l’intuition, la foi et la raison et les rapports que ces trois concepts entretiennent les uns avec autres ?

L'intuition
L'intuition est un mode de connaissance immédiat, ne faisant pas appel à la raison.
Une intuition n'est jamais la conclusion d'un raisonnement conscient. Elle prend la forme d'un sentiment d'évidence quant à la vérité ou la fausseté d'une proposition, qu'on ne peut pas toujours justifier. On aura par exemple l'intuition que telle action est juste, sans savoir pourquoi elle est juste. Tout se passe comme si notre cerveau était capable de synthétiser des informations sans passer par le circuit logique du raisonnement. De plus, il est difficile de déterminer la nature et le canal d'acquisition de ses informations.
Elle est généralement perçue comme instantanée bien qu'elle puisse en réalité puiser sa pertinence dans des souvenirs enfouis dans l'inconscient ou le subconscient. Les intuitions pourraient être des sortes de synthèses résultant d'informations que nous mémorisons et de perceptions que nous n'avons pas conscience d'enregistrer. Ces synthèses s’opéreraient préférentiellement dans le cerveau droit qui est plus apte au fonctionnement créatif et imaginatif tandis que le cerveau gauche (siège du langage) travaillerait selon un mode plus logique et rationnel. On associe souvent la sensibilité à l’intuition. On parle parfois de 6ème sens. Il semble que les femmes soient plus douées que les hommes dans ce domaine.
Pour Jean Paul Sartre ; « Il n’est d’autre connaissance qu’intuitive. La déduction et le discours, improprement appelés connaissance, ne sont que des instruments qui conduisent à l’intuition. »

La Foi
Contrairement à ce que prétendent certains, la foi n'est pas une forme particulière de l'intuition. Le concept de foi est le plus souvent rattaché aux religions où il désigne la conviction en la véracité d'un ensemble de croyances. Dans le langage courant, le mot peut aussi désigner, plus simplement, une très forte confiance. C'est le sens religieux de la foi qui nous intéresse dans cet exposé. La foi religieuse semble encore aujourd'hui très difficile à définir. Selon Durkheim, c'est la confiance et l'adhésion à un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées (c’est-à-dire séparées, interdites), croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent ». Il faudrait alors définir le mot Eglise dans un sens très large qui englobe le temple et la communauté. On notera que dans sa définition, la notion de Dieu, qui peut prendre un sens soit philosophique soit religieux, n'est pas citée.

Pour résumer, l'intuition est un mode de connaissance immédiat très naturel, neurobiologique, la foi est la confiance en un système de croyances associées à la pratique d'un culte religieux, païen ou néo-païen.
La foi c'est en même temps le concept le plus simple et le moins pénétrable des trois. C'est le plus simple car il repose exclusivement sur la vérité révélée et la confiance donnée. Il est impénétrable, comme la voie du Seigneur, car il est très lisse. Il offre peu d'aspérités aux efforts de la raison.


La Raison

Qu'est ce que la raison ?
Depuis Socrate, Platon et Aristote, en passant par Descartes, Spinoza, Leibniz et Kant, ce concept a été très étudié et controversé et encore aujourd’hui, il est difficile de trouver une définition qui fasse l’unanimité. Il semble assez vrai de dire que la raison est étroitement liée à l’essence et à la spécifité de l’être humain. Qu’elle est foncièrement critique et réflexive. Càd qu’elle doute, remet en cause toute vérité et se remet en cause elle-même.
La raison est une faculté de l’esprit humain de distinguer ce qui est vrai ou bien de ce qui est faux ou mal mais aussi de trouver des relations de cause à effet et de combiner les opérations logiques. Dans cette définition qui rejoint celle de la rationalité, on englobe très largement le simple bon sens, le discernement, la logique, la déduction et le sens courant de ce qui est raisonnable.
La raison recouvre le champ des sciences, mais elle possède également une fonction morale. On retrouve cette signification dans l’être raisonnable.
La raison s'enrichit des faits et observations du réel. Elle permet de faire des inductions et des généralisations. Dans ce sens on ne peut l’opposer à l’empirisme mais elle contient la démarche empirique, au sens moderne, qui est totalement rationnelle.

On peut distinguer 3 grandes conceptions de la raison.

1) la raison scientifique est la raison rationnelle du géomètre et du physicien, projetée sur le monde et qui permet de déchiffrer l'univers et le cosmos.

2) En second vient la raison éthique. La raison éthique est la raison morale et normative. Elle est un facteur de mesure et de modération dans la pensée et le comportement. C’est la raison du raisonnable.

3) Enfin vient en troisième la raison naturelle qui est définie comme un ordre naturel structurant communément l’esprit humain et la nature. Elle est souvent associée au divin et à la transcendance. Cette conception a été largement discutée dans le passé mais est aujourd’hui assez largement abandonnée par les philosophes. Elle reste cependant une vision assez commune en théologie. Cependant, on pourrait, sans la dévaloriser, la ranger plus facilement du côté de l’intuition ou de la foi.

La raison empirique a longtemps été opposée à la rationalité mais elle est aujourd’hui largement considérée comme une démarche scientifique et rationnelle. Je la rapprocherai donc de la première conception.

Emmanuel Kant a traité des 2 premières conceptions dans ses critiques de la raison pure et de la raison pratique. Et finalement ce sont les deux principales formes qui nous intéressent, la scientifique et l’éthique.

On oppose généralement la raison à différents concepts. Parmi eux l’intuition ou l'imagination, la croyance ou la foi, mais aussi la déraison ou la folie. Il faut donc se rendre à l’évidence ; la raison est bien une notion complexe et polymorphe.

***

Après avoir défini plus précisément ces trois qualités très cérébrales que sont la Raison, l’Intuition et la Foi il faut très rapidement préciser qu’elles constituent trois façons d'appréhender et de décrypter le monde qui ne sont pas contradictoires ni incompatibles. Il n’y a donc, a priori, aucune bonne raison, de donner plus de crédit aux unes qu’aux autres. Mais cela mérite peut-être un développement.

J’ai organisé ce développement autour de 9 questions qui sont abordées de façon assez concise en essayant d’utiliser ma raison, mon intuition et ma foi.

Ces questions sont :
1. L’évolution
2. La folie
3. La femme
4. Dieu, le cosmos et l’infini
5. La nature et la grâce
6. La contingence
7. L’invisible
8. La religion
9. La science


L’évolution

On peut penser que la raison et la morale sont apparues chez l'homme au cours de mutations génétiques et dans un modèle d'évolution naturelle de type darwinien. De la même façon que l'intuition est venue aux animaux plusieurs centaines de millions d'années auparavant.

Depuis l'aube de l'humanité, la croyance en des divinités animistes a permis à l'homme de se doter d'un canevas de compréhension du monde et surtout de trouver une cause aux agressions de la nature. La colère ou la mauvaise humeur de telle divinité pouvait être atténuée par une danse ou un sacrifice. La raison préexiste très probablement, mais elle ne fait l’objet d’une attention particulière que depuis l'antiquité grecque, où elle a fait son apparition dans le discours philosophique.

D'un autre point de vue, si l'on considère que l'homme a toujours bénéficié d'un cerveau avec deux hémisphères, le gauche abritant la raison et le droit l'intuition, alors la raison et l'intuition sont immémoriales, contrairement à la foi. Plus prosaïquement, les deux premières sont livrées d'origine alors que la foi est en option. Et Dieu sait si certaines options sont utiles.

‎Certains prétendent même que la raison devrait abdiquer devant la foi. N'est-ce pas prendre un peu le problème à l'envers ? La Foi n'est-elle pas un avatar (ou une flamboyance selon le point de vue où l'on se place) de la Raison ? L'animal intelligent qu'est l'homme a commencé à développer sa raison pour s'adapter et survivre. S'il n'avait eu que la foi, nous ne serions probablement pas là ! Donc la foi est arrivée après. Non comme un résidu du cerveau reptilien mais comme un épiphénomène de la raison, du cortex. Donc toute foi qui ne serait pas issue de la raison serait une folie, une démence. Mais toute foi bâtie sur la raison n'est pas obligatoirement raisonnable.


La folie

Peut-on ranger la foi dans le giron de la folie et les justifier toutes deux comme une dimension utile et respectable de la personne humaine ?

La raison s'oppose à la foi, à la superstition, à l’irrationnel, à la folie, mais aussi à la passion. Si l’on considère une foi non dogmatique mais quand même éclairée, il y a un lien fort entre la foi, la folie et la passion qui sont parties intégrantes et incontournables de la condition humaine. Elles sont la face dite obscure de la personne. Celle qu'on essaye de refouler sur la base d'une morale sociale bien intégrée. Mais on peut aussi voir ici l'obscurité non comme la part sombre et négative, mais comme le Mystère, l'Inconnu qui attise la curiosité. D’ailleurs selon l’écrivain anglais G.K. Chesterton, « Le fou n’est pas l’homme qui a perdu la raison. Le fou est celui qui a tout perdu, excepté la raison. »

La foi et la raison sont le yin et le yang de l'esprit. Le yin c'est le mystère de la foi mais aussi celui de la folie et de la passion que l'on ne peut pas appréhender par le yang de la rationalité, mais qui la complètent en lui donnant de la nuance et du recul. Cette rationalité qui a justement été promue par le mouvement des Lumières à une époque où la religion était devenue un frein à l'émancipation de l'homme, et représentait donc une force obscure. Aujourd'hui, à mon sens, le vrai combat n'est pas contre les religions mais contre les intégrismes et les fanatismes que ce soit en religion ou en politique. Mais aussi contre toute forme de racisme, d’eugénisme et de sectarisme.


La femme

L'homme possède en lui une part de féminité. De même la femme possède en elle une part masculine. Dans son dernier livre, la Voie, Edgar Morin suggère que chacun gagnerait à se rapprocher de l'autre en intégrant davantage sa part complémentaire. Quoiqu’ il en soit c'est au moins une réalité que chacun doit accepter s'il veut parfaire sa propre connaissance.

Par ailleurs, les neurosciences nous enseignent que chaque hémisphère du cerveau est spécialisé. Le cerveau gauche serait plutôt rationnel et du genre masculin et le droit serait plutôt intuitif et du genre féminin. Je suggère donc que raison et intuition sont complémentaires et que chacun y gagnerait à les utiliser conjointement et de façon équilibrée.

J’ai vu samedi dernier un film libanais très beau qui raconte l’histoire des femmes d’un village qui mettaient en place des stratégies collectives pour contrer la folie des hommes à s’entretuer régulièrement pour des motifs religieux. A la fin les femmes musulmanes se convertissaient au catholicisme et les chrétiennes se convertissaient à l’islam, plongeant leurs époux et fils dans la perplexité. « Et maintenant, on va où ? ». C’est le titre du film de Nadine Labaki. Je crois, et cette histoire en est la preuve, que les femmes sont plus douées que les hommes pour faire fonctionner ensemble et harmonieusement leurs deux hémisphères.


Dieu, le cosmos et l’infini

Et Dieu dans tout cela ?

La raison possède donc des limites, notamment celle d’expliquer Dieu, le cosmos et l’infini. On peut raisonner jusqu’à un certain point et on est souvent obligé de poser des hypothèses qui ne sont pas complètement rationnelles.

On peut concevoir deux façons d'aborder Dieu, le cosmos et l'infini.
Soit Dieu existe, soit il n'existe pas et la question des origines reste ouverte.

Si dieu existe il peut se concevoir suivant deux principes fondamentaux antagonistes. Sur le principe de la foi qui vénère un Dieu et une religion révélée. Sur le principe de la philosophie qui avance le concept d'un principe créateur, ce que certains ont nommé le Grand Architecte de L’Univers, sur la base d'une réflexion pouvant mettre en jeu les deux hémisphères du cerveau. Pascal affirmait qu'on pouvait accéder à Dieu par 2 voies distinctes: la Raison qui par la connaissance discursive parvient à l'être suprême, et le Cœur, c.à.d. l’intuition qui saisit Dieu directement et spontanément.

Je pense que les deux voies conduisent de concert à ce questionnement spirituel, de même que la Nature et la Grâce sont deux explications complémentaires sur la vie et le cosmos qui sont toutes deux à la fois endogènes et exogènes à l'entendement humain, qui l'animent et qui l'englobent. L'amour est à la confluence des deux. Il n'est ni complètement biologique ni complément spirituel. Il est les deux à la fois, dans une alchimie de l'esprit et du cœur.

Et puis dans l'infini il y a "non fini" et donc il y a l'homme dans sa finitude qui questionne Dieu dans son infinitude.


La nature et la grâce

Terrence Malick ouvre son film "The Tree of Life" par une réflexion sur la Nature et la Grâce. La Grâce ou la main de Dieu est douce et chaude. Elle aime, pardonne, enveloppe. Elle est cohérente et rassurante, aérienne et évanescente. La nature est froide ou parfois brulante. Elle reprend le lendemain ce qu’elle a donné la veille. Elle nourrit comme elle affame. Elle engendre comme elle tue. Elle est tellurique et violente, paradoxale et cyclique, chaotique et divinement ordonnancée.

« La Grâce se fait insulter, réprimander, écraser mais ne bronche pas. C’est l’amour et le désintérêt, la plus pure forme du don ». Elle est incarnée dans le film par la mère.

« La Nature cherche le profit, à s’imposer sur les autres et à survivre ». Elle est incarnée par le père.

Concernant la Nature et la Grâce, je pense finalement que le père comme la mère possède les deux en lui. L’homme a sa part de féminité et de grâce. La femme a sa part de virilité et de nature brute. Ce que l’un incarne en yang, l’autre le possède en yin.

C'est Leibniz qui a introduit en 1714 cette dualité entre la Nature et la Grâce dans ses "Principes de la Nature et de la Grâce fondés en Raison". Il conçoit Dieu comme un grand architecte ou un géomètre génial qui a créé l'univers avec un souci d'économie et d'écologie maximales. Il produit le meilleur des mondes possibles avec un maximum d'effets pour un minimum de causes. La cause ultime étant lui-même.

Sur le plan économique, Dieu a doté la nature d'un principe d'évolution des espèces. La Nature évolue imperceptiblement par mutations successives à partir de l'impulsion de départ. Elle ne progresse pas par saccades mais de façon continue et harmonieuse. Elle utilise des enchainements rationnels, des formes esthétiques, des formules logiques et des proportions harmonieuses. Par cela la Nature démontre un caractère grandiose et une beauté divine.

Sur le plan écologique, Dieu a doté la Nature d'un principe de cohabitation entre les espèces. Ces dernières sont compossibles c.à.d. que non seulement elles ne se détruisent pas mutuellement, ce qui aboutirait à une extinction progressive de la vie, mais elles se combinent pour donner de nouvelles créations. Donc foncièrement la Nature est belle et porte en elle la marque de la Grâce divine. Elle suffit peut-être à donner un sens à notre vie et à en surmonter les péripéties.

Selon Leibniz, le règne moral de la Grâce est en harmonie avec le règne physique de la Nature.


La contingence

La contingence est un vrai défi à la foi et à la raison.

La Nature n’est sûrement pas le fruit du hasard, mais alors, quelle est donc la raison qui fait que les choses ont été ordonnées de façon si belle et redoutable ? Quel est le principe immanent qui nous met face à notre ignorance ? Peut-on rationnellement croire que quelque chose puisse exister sans raison ?

La contingence nous renvoie à notre subjectivité.
La perte d'un enfant est un drame, une catastrophe pour la famille. Par contre, vue sur le niveau planétaire ou même national, c'est une statistique.

De même, la collision d'une météorite avec la Terre a pu causer des cataclysmes et la disparition de nombreuses espèces dont les dinosaures. A l'échelle de l'univers, c'est pourtant un épiphénomène.

Une cellule cancéreuse ou un gêne défectueux peut bouleverser la vie d'une personne ou d'une famille, mais au niveau de la vie biologique d'une communauté c'est quasiment indécelable et sans effet.

Tout est question de point de vue.


L’invisible


Selon Saint Augustin, la foi dans les choses invisibles n’est pas en elle-même irrationnelle, mais elle fait partie de la vie humaine, sur un mode raisonnable et nécessaire : « Croire qu’on n’est pas aimé parce qu’on ne voit pas l’amour, ne pas rendre affection pour affection parce qu’on s’en croit dispensé, ce n’est pas là un acte de sagesse, mais une réserve odieuse ; et si nous ne croyons pas à ce que nous ne voyons pas, si nous nions les volontés des hommes, parce qu’elles échappent à nos yeux, il en résultera un tel trouble dans la société que tout sera renversé de fond en comble» (fin de citation).

La foi est une adhésion de l’âme qui nous fait saisir les principes premiers et nous met en possession de la vérité. C’est une croyance en quelque chose d’invisible, et Saint Augustin répond à ceux qui affirment que l’on ne peut croire en ce qui ne tombe pas sous les sens (sens externes ou sens interne) que nous croyons toujours à certaines choses que nous ne percevons pas, telle que, par exemple, la bienveillance d’un ami. L’esprit humain ne peut donc se passer de foi, à moins de vivre comme une bête.

Tout comme la philosophie et l'art de leur côté, la foi s'intéresse aux questions existentielles concernant le sens de la vie, la présence de l'au-delà, l'existence de Dieu, la relation des Hommes avec le divin, et s'oriente donc sur le « pourquoi » de l'existence. Ce qui est invisible pour les yeux.


La religion

La foi semble compatible avec la raison et avec l'intuition mais en réalité elle est un peu plus compatible avec la seconde qu'avec la première. Des chercheurs ont cependant mis en évidence que l'inhibition de certaines fonctions du cerveau gauche était de nature à développer le sens du sacré et du divin chez le sujet. Si l’on neutralise le fonctionnement de l’hémisphère principalement utilisé pour la raison, le cerveau développe son approche du monde sur des schémas proches de l’intuition et de la foi. Un peu de la même façon que la personne qui perd accidentellement la vue va sur-développer ses autres sens que sont l’ouïe, l’odorat et le toucher.

Mais je m’égare… Revenons à la religion.
« La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité. » (extrait de l'encyclique « Fides et ratio » écrite par Jean-Paul II en 1998).
Selon le pape, la science explique le comment de l'univers et de la vie. La foi tente d'expliquer le pourquoi.
En 1996 Jean Paul II a reconnu que la théorie de l'évolution de Darwin était « plus qu'une hypothèse ». C’est un bon début mais il a quand fallu plusieurs dizaines d’encycliques pour parvenir à ce maigre résultat. Une constatation assez triviale mais qui n’est pas encore enseignée dans toutes les écoles puisqu’aux Etats-Unis, qui se prétend l’un des pays les plus développés du monde, mais qui pratique encore la peine de mort et qui enseigne à ses bambins que Dieu à créé le monde en 6 jours et qu’il a pris une côte à l’homme pour créer la femme.

Le baron philosophe Paul Henri Thiry d’Holbach, qui a collaboré à l’encyclopédie de Diderot, écrivait dans sa Théologie portative en 1768 que Adam "C'est le premier homme. Dieu en fit un grand nigaud qui, pour complaire à sa femme, eut la bêtise de mordre dans une pomme que ses descendants n'ont point encore pu digérer."

La cour suprême des états unis a jugé en 1967 que les thèses créationnistes étaient contraires à la constitution. Cela n'a pas beaucoup entamé le succès et la virulence de ce mouvement. En 2005 un sondage montrait que 64 % des Américains étaient favorables à l'enseignement du dessein intelligent en plus de la théorie de l'évolution et que 38 % ne voulaient pas que la théorie de l'évolution soit enseignée dans les écoles publiques.


La science

Pour Martin Luther King, « Il peut y avoir conflit entre hommes de religion à l'esprit fragile et hommes de science à l'esprit ferme, mais non point entre science et religion. Leurs mondes respectifs sont distincts et leurs méthodes différentes. La science recherche, la religion interprète. La science donne à l'homme une connaissance qui est puissance ; la religion donne à l'homme une sagesse qui est contrôle. La science s'occupe des faits, la religion s'occupe des valeurs. Ce ne sont pas deux rivales. Elles sont complémentaires. La science empêche la religion de sombrer dans l'irrationalisme impotent et l'obscurantisme paralysant. La religion retient la science de s'embourber dans le matérialisme suranné et le nihilisme moral ».

Pour ne citer qu’ Einstein, Reeves et Jacquard, des nombreux scientifiques ont également pointé le risque du scientisme, et resitué leur pensée dans une perspective humaniste.
La raison est un rempart contre le dogmatisme et l'obscurantisme. Mais trop de raison peut tuer la raison !
La raison est un acquis des Lumières qu'il faut sauvegarder précieusement et mettre en avant à chaque coup de butoir des courants illuminés ou simplement allumés. Si c’est de la folie qu’il faut l’abriter, pour mieux la protéger il faut lui donner une place relative de cohabitation et non l’ériger en nouvelle religion.

Pascal écrivait dans ses pensées : il y a 2 excès : exclure la raison et n’admettre que la raison. C’est une évidence qu’il est bon de répéter.

Quand on évoque une problématique binaire entre raison et foi on tombe logiquement dans la controverse entre sciences et religion. C'est un peu pour cela que j'ai rajouté un troisième élément, l'intuition, pour sortir de ce dualisme et tenter de trouver une approche moins manichéiste.


Conclusion


La raison permet la perception du monde sur un mode logico-déductif. Une décision raisonnable doit être pragmatique et saisir les limites mesurables du monde. Quand l’intuition laisse advenir l’invisible et l’impossible, la raison se restreint au visible et au possible. Là où l’intuition fait la part belle au ressenti, la raison s’attache aux lois physiques, à la mécanique des objets, des causes et des conséquences, c’est-à-dire à une démarche froide et dénuée d’émotion.

Il est vital de rêver et de croire. Et chacun peut croire ce qu'il veut à partir du moment où il respecte les croyances des autres et surtout à condition qu'il se respecte lui même comme être doté d'intelligence et d'une faculté qu'on appelle la Raison. Cette dernière nous intime que le monde a plutôt 15 milliards d'années que 6000 ans, que l'homme vient de la bactérie et du primate en passant par le poisson par une loi de l'évolution des espèces et non créé à son image par un dieu à barbichette blanche. La raison affirme que n'y a qu'une seule race et que nos ancêtres communs étaient noirs et vivaient en Afrique. A la différence des religions, la raison a beaucoup appris de la science et de la philosophie. Par contre la raison n'apporte pas de solution toute faite sur la mort, l'immortalité de l'âme, le bien et le mal. Mais plutôt que de dogmatisme, de simplisme, et de populisme, en la matière, nous avons besoin d'intelligence, de poésie et d'éthique.

Pour finir, j’aurai pu préconiser de « rajouter un peu de finesse dans un monde de brutes » mais je donnerai la parole au renard de Saint-Exupery qui nous livre son secret : "on ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux".


Bibliographie :


« Le Dieu des philosophes ? Entre foi et raison » - Laurence Vanin-Verna
http://www.librairiedialogues.fr/livre/235242-le-dieu-des-philosophes-entre-foi-et-raison-laurence-vanin-verna-ellipses

« L'Erreur de Descartes » - Antonio Damasio
http://www.scienceshumaines.com/l-erreur-de-descartes-antonio-damasio-1994_fr_24694.html

«Voyage au-delà de mon cerveau» - Jill Bolte Taylor
http://www.lefigaro.fr/livres/2008/11/07/03005-20081107ARTFIG00018-l-incroyable-guerison-du-dr-jill-bolte-taylor-.php

« La Voie » - Edgar Morin
http://dialoguesenhumanite.org/331-la-voie-edgar-morin
http://www.rue89.com/entretien/2011/01/23/edgar-morin-une-voie-pour-eviter-le-desastre-annonce-187032

« Principes de la nature et de la grâce fondés en raison » - Gottfried Wilhelm Leibniz
http://fr.wikisource.org/wiki/Principes_de_la_nature_et_de_la_gr%C3%A2ce

« Critique de la faculté de juger » - Emmanuel Kant
http://fr.wikipedia.org/wiki/Critique_de_la_facult%C3%A9_de_juger

« L'Âme et la Vie » - Carl Gustav Jung
http://fr.wikipedia.org/wiki/L'%C3%82me_et_la_Vie

« Le divin dans l'homme » - C.G. Jung
http://www.cgjung.net/publications/cazenave/index.htm
http://www.adhes.net/Documents/Extraitsdelivres/CGJung/LEDIVINDANSLHOMME.aspx

« La raison » - Michel Delattre
http://www.decitre.fr/livres/La-raison.aspx/9782868501165

« La raison au XXème siècle » - Bertrand Saint-Sernin
http://www.institut-de-france.fr/minisite/seance-cinq-academies/saint_sernin.php
http://www.amazon.fr/raison-au-XXe-si%C3%A8cle/dp/2020229323

« La morale» - Philo.fr
http://www.philo.fr/?c=document&uid=L45

« La morale sort de l’ombre » - Paul Valadier
http://www.contrepointphilosophique.ch/Philosophie/Pages/PaulValadier/Morale.doc

« La critique de la raison morale » - Sylvain Reboul
http://sylvainreboul.free.fr/cri.htm
« L'âme et le corps » -. Philosophie magazine n°31, 07/08/2009
http://www.philomag.com/fiche-dossiers.php?id=64

philosophie-spiritualite.com
http://sergecar.perso.neuf.fr/cours/exist6.htm

« Nietzsche et l’avenir de la religion » dans le dossier « Divin » de la revue « Le portiQue »
http://leportique.revues.org/index199.html

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